dimanche 10 octobre 2010

Un copiste vraiment courroucé à Saint-Joseph de Maskinongé (2)

Deuxième partie du billet.

Après un acte du 16 novembre 1766 :
«Note du copiste . N.B. Dans les deux actes ci-dessus le fameux pétrimoulx a laissé en blanc un espace pour y mettre le nom de baptême, mais il s’est bien gardé d’y inscrire le nom. De même, à divers endroits et souvent il dit que les parrains ou marraines ont signé, mais il ment tout simplement, il n’y a pas de signature. Pauvre petrimoulx ! espèce d’imbécile ! J.F.B.ptre».

Au bas d'un mariage du 9 janvier 1767 :
«Encore une finesse de pétrimoulx dans l'acte ci-dessus J.F.B. ptre».

À la suite d'un baptême du 25 janvier 1767 :
N.B. Ce n’est pas vrai, bonhomme, tu ne l’as pas fait signer ! J.F. B. ptre»].

À la suite d'un baptême du 24 février 1767 :
N.B. «Marie Anne, veuve de Courchaine » voilà qui en dit long ! Il n’y a qu’un fou ou un paresseux pour écrire pareille insignifiance ! J.F.B. ptre»].

Enfin, une dernière annotation à la fin de l’année 1767 :
«N.B.
À partir du 15 mars 1767 la paroisse de Maskinongé cesse d’avoir un registre distinct de celui de La Rivière du Loup. Les actes que nous avons copiés depuis le 15 mars 1767, et ceux que nous copierons dans les années suivantes, ont été et seront extraits du registre pour la paroisse de La Rivière du Loup où nous les trouvons mêlés à ceux de cette dernière paroisse. Les Pétrimoulx avec leur petit jugement et leur esprit encore moindre ont jugé que c’était aussi bien; puis, tenir un seul registre, c’est moins de trouble qu’en tenir deux, la paresse y trouvait son compte. Nous devons aussi faire remarquer leur négligence, ou leur manque de zèle, ou leur paresse impardonnable en cette année 1767, où pendant plusieurs mois de l’année aucun acte n’a été fait, et où pendant toute
[souligné] l’année il n’y a a qu’une seule sépulture d’enregistrée. C’est du reste, pour les sépultures ce qui a été pratiqué par le pauvre ignorant qui signe «f dominique pétrimoulx », durant tout le temps que la paroisse de Maskinongé a eu le triste sort de l’avoir pour la desservir.
Il a négligé d’enregistrer la plupart des sépultures il a sans doute aussi omis beaucoup de naissances, notamment en cette année 1767.
Heureusement, nous constatons avec un plaisir extrême qu’à la fin de cette année 1767, il disparaît, nous ne voyons plus nulle part sa maigre et chétive signature, ni aucun de ses actes hérissés de fautes d’orthographe; plaise au ciel qu’il ne reparaisse plus dans ces cantons.
Il fallait que le peuple qui habitait Maskinongé, à cette époque, ne fût pas difficile, pour se contenter d’un pareil minus habens [souligné].
Maskinongé, 21 mars 1910.
J.F. Béland ptre chanoine curé

Commentaires :

- la tenue des registres par le missionnaire Dominique Pétrimoulx [son frère Médard était également curé] laisse grandement à désirer et, de ce point de vue, le chanoine curé a raison de le faire remarquer : des actes incomplets, des erreurs, et vraisemblablement des actes omis ...
- le copiste utilise des termes blessants pour porter des jugements qui sont durs, lapidaires et sans appel et ce souvent avec une ironie certaine; il y a peut-être là en partie une manifestation de la rivalité traditionnelle entre le clergé régulier et les Récollets
- on note même une évolution de son courroux et un certain crescendo dans le ton et la teneur des commentaires formulés
- certains pourraient avancer que le chanoine curé ne fait pas preuve de charité ou n'est pas très «catholique» dans son comportement et ce envers un collègue décédé plus de cent quarante ans auparavant. D'autres s'étonneront que de tels jugements aient été écrits dans le registre même; sur ce point, le fait qu'il s'agisse d'une copie laisse beaucoup d'espace pour ce faire
- en un sens, on peut affirmer que ce chanoine protège son «territoire», sa paroisse dont il est lui-même curé. Par ailleurs, ses propos devraient être davantage nuancés; en effet, d'autres missionnaires ont desservi cette paroisse à cette époque et certains de leurs actes présentent également des lacunes analogues. De plus, il semble oublier que le contexte de l'époque était particulièrement difficile pour un missionnaire devant desservir plusieurs paroisses parfois éloignées.

Nos remerciements à Gisèle Bouffard pour nous avoir aiguillé sur la piste de ces informations.

[Summary :
Some marginal annotations from the church records of Maskinongé, Québec.]

Ajout :
Voir également le billet publié le 20 mai 2016.

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